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La Contemporaine
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Exil en France


Lui nous rejoignit un mois plus tard, malade du scorbut, la maladie de la faim. Il semblait l’ombre de lui-même. Il avait perdu vingt-deux kilos. Après un séjour prolongé au lit, il se fit à l’idée de continuer la lutte. La lutte politique ? Son idée de la politique provenait de credos artistiques non canalisés. Son idée n’était pas transposable à la politique. Son combat ? Traduire Molière en catalan et en vers. Il s’étonnait de l’abondance qui existait en France. Quand les voisins allaient cueillir des cerises, il allait avec eux ; et sur son échelle il inventait un poème sur la cerise, cherchait l’étymologie du mot cerise. Ou autre chose. Son esprit, comme une turbine, tournait sans relâche. (…) Mon père n’avait pas un poil de pédagogie ni de diplomatie. Il parlait à tout le monde comme si son interlocuteur était ingénieur et libéral, comme lui.

Puis survint l’exode. Des Pyrénées descendaient des milliers et des milliers de gens qui fuyaient. Nous hébergeâmes un couple avec un enfant. Il était impossible de prendre en charge tant de désolation. Il y eut aussi un maçon catalan, maire de son village, à qui mes parents offrirent du vin, et à qui, ensuite, ils n’eurent pas le courage de dire de s’en aller. Le maçon et maire voulait retourner en Espagne. Mon père essayait de l’en dissuader. La grand-mère, pour nous « instruire », nous envoya un journal sur lequel figurait le nouveau code pénal de notre patrie. Assis, mon père et le maire le lisaient comme une litanie… Pour avoir occupé une charge dans une municipalité : FUSILLÉ… Pour avoir protégé quelqu’un : FUSILLÉ.

« Respectez la vie des fleurs », c’était l’une de ses devises pour protéger ma petite sœur, Tona, pour qui il avait un faible.

A Céret, où nous nous réfugiâmes, nous escaladions le le pic de Garces et de là-haut nous avions une vue parfaite sur la zone où nous résidions. « Quand tu auras une idée, regarde-la d’en haut. » Ou il me disait : « Anem a escampar la boira » (Allons éparpiller le brouillard, marcher, nous aérer les idées). Et nous partions tous les deux sur les sentiers vers le prodige toujours renouvelé de la nature. (…) Et par ces sentiers nous grimpions les contreforts des Pyrénées, derrière lesquels se trouvait notre patrie.

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